Je discutais avec un de mes éminents collègues d'Abalon (Théophile Chin-nin) sur une nouveauté de SharePoint : la possibilité de faire des Hubs de Hubs. Et sur le ton de l’humour, je lui expliquais que ça n’allait pas être simple à expliquer, car bon nombre d’entreprises n’ont déjà pas vraiment conscience de ce qu’est réellement SharePoint : alors, leur parler de hubs de hubs...
Cet échange me faisait prendre conscience de la vitesse d’évolution de la solution Microsoft 365 en quelques années et du risque de rester en marge de ces évolutions.
Après être longtemps resté en gare, le train du digital interne s’est mis lentement en mouvement il y a quelques années et aujourd’hui, le quai défile de plus en plus vite. Celles et ceux qui regardent passer le train en espérant qu’il se stabilise un jour pour pouvoir y grimper facilement se trompent. Non seulement le train ne s’arrête pas mais il va de plus en plus vite.
Le temps des versions tous les 3 à 4 ans
De 2000 à 2014, je travaillais dans l’équipe MOE (DSI) en charge de l’intranet, des outils collaboratifs de Bouygues Telecom. A cette époque, l’écosystème collaboratif était plutôt simple. En dehors de l’éternelle messagerie, à partir de 2001, il n’y avait qu’un seul outil collaboratif : SharePoint, un outil ancien quoi qu’en pensent ceux qui le découvrent aujourd’hui, qui a fêté ses 20 ans cette année (lire mon article à cette occasion).
L’évolution de l’outil était à la fois simple et complexe. Elle était simple car le produit n’évoluait que tous les trois ans environ. Et encore, personne ne vous forçait vraiment à changer les versions de SharePoint installés sur les serveurs de l’entreprise, ni même à passer les patchs correctifs et de sécurité. C’est ainsi que certaines entreprises ont aujourd’hui encore de vénérables SharePoint 2010 sur leurs infrastructures, véritables pièces de collection avec plusieurs dizaines de patchs se sécurité de retard.
Mais paradoxalement, l’évolution était complexe car changer de version était un gros projet. Il fallait migrer les sites d’une infrastructure à l’autre et surtout accompagner le changement car d’une version à l’autre, l’ergonomie et les fonctionnalités changeaient beaucoup. Pour cette raison, un certain nombre d’entreprises maintiennent encore aujourd'hui plusieurs versions en parallèle : SharePoint 2010, SharePoint 2013, etc. Autant dire que l’accompagnement est folklorique.
Mais entre les deux évolutions, pendant quelques années, c’était la belle vie : il fallait juste faire tourner les machines, éviter qu’elles ne crashent et faire des prières pour savoir les restaurer si cela arrivait. Pour le reste, on avait tout son temps ensuite pour râler tranquillement sur les bugs de la solution et rêver aux évolutions fonctionnelles qu’on aurait peut-être dans la prochaine version, dans quatre ans.
Aujourd’hui, les évolutions sont quasi quotidiennes
Microsoft 365 sur le Cloud a tout changé. Premier changement, l’écosystème ne se résume plus à deux outils (la messagerie et SharePoint), mais à une trentaine au bas mot, version Web et mobile comprises. Sans compter tous les fonctionnalités back office invisibles par le commun des mortels mais tout aussi importantes (si ce n’est plus encore) : sécurité, conformité, etc.
Second changement, vous n’êtes plus maître des versions installées sur votre infrastructure puisqu’elle n’est plus dans votre data center. Cela change énormément de choses. Tout d’abord, que vous le vouliez ou non, les logiciels se mettent à jour, avec potentiellement de nouvelles fonctionnalités ou des évolutions de fonctionnalités existantes. Mais par contre, vous êtes toujours à jour au niveau sécurité.
L’avantage c’est que les évolutions sont progressives (fonctionnalité par fonctionnalité), sans grosse évolution de version qui nécessite des migrations et un gros accompagnement au changement. Il y a des exceptions comme par exemple la prochaine évolution de Stream, entre Stream Classique et Microsoft Stream (lire cet article).
Troisième changement, le rythme ! Finies les évolutions tous les trois à quatre ans. Aujourd’hui, les annonces d’amélioration et d’évolution de la solution Microsoft 365 se suivent à rythme soutenu. Régulièrement, presque chaque jour, de nouvelles fonctionnalités apparaissent comme par magie dans les outils. Elles sont expliquées dans les mails que reçoivent les administrateurs de Tenant, sur les comptes Twitter des outils, sur les comptes LinkedIn des MVP et des experts Microsoft, ou plus simplement dans la roadmap de Microsoft (lire cet article).
Le but du jeu pour les responsables Microsoft 365 des entreprises, et pour nous consultants, c’est de réussir à se tenir informés et d’avoir les dernières informations non sur un outil en particulier, mais sur tous les outils (plus d’une trentaine) et sur tout le socle de Microsoft 365 (sécurité, paramétrage, conformité, Azure Active Directory, etc). Facile…
En même temps que les outils, ce sont les concepts qui évoluent
Les outils sont une chose, les concepts qui les animent en sont une autre, bien plus importante. On peut comprendre le fonctionnement d’un outil, sans comprendre le concept qu’il y a autour de l’outil et donc en louper tout l’intérêt. C’est ainsi que des sociétés n’utilisent Teams que pour les visios et SharePoint que pour stocker des documents en mode « serveur de fichiers », loupant ainsi 80% des promesses de gains.
Autre exemple : la communication interne, qui sera l’objet de mon prochain livre blanc. Les solutions aujourd’hui disponibles avec Microsoft 365 (Yammer, SharePoint, Teams, Sway, Forms, Stream, ….) combinées entre elles sont de nature à complètement modifier l’approche de la communication au sein de l’entreprise et à offrir de nouvelles opportunités extrêmement précieuses pour les entreprises qui souhaitent (réellement) se moderniser et entrer dans le 21ième siècle, comme je l’ai écrit dans cette page de mon site.
Les outils évoluent et les concepts également, de sorte que chaque évolution d’usage est une nouvelle marche qui s’ajoute dans l’escalier de l’évolution de l’entreprise en termes de postures internes et d’opportunités.
Il y a 30 ans, la messagerie électronique a été une première et grosse marche, suivie par le serveur de fichiers. En 1996 quand je suis entré chez Bouygues SA, dans le magnifique bâtiment Challenger, j’étais fier d’expliquer à mes amis que j’avais une messagerie et que nos fichiers étaient sur des serveurs (sous OS2).
Puis les évolutions se sont enchaînées avec à chaque fois avec elle des évolutions de concept et de posture au sein de l’entreprise.
L’intranet a transformé le métier de la com’ interne début 2000.
SharePoint a fait évoluer le principe de partage des fichiers et d’information avec des sites thématiques.
Le Réseau Social d’Entreprise (Yammer) et Teams ont ouvert de nombreuses opportunités (voir ce formidable exemple chez La Poste).
Puis le cloud avec Microsoft 365 (anciennement Office 365) a révolutionné l’entreprise en apportant de nouveaux outils, comme Teams en 2016, puis la Power Platform (avec Power Apps en 2018) sans parler de tous les autres outils et fonctionnalités liées à la sécurité, à la maîtrise de la conformité, aux applications mobiles, etc).
Les « plateaux » sur chaque marche sont des temps essentiels pour permettre la maturation digitale des usages au sein de l’entreprise. A l’instar d’une graine qu’on plante et qui pousse lentement pour donner un fruit, j’appelle « maturation digitale » le temps qu’il faut à l’entreprise pour « digérer » les changements et constater les gains opérationnels.
La « maturation digitale », c’est le temps de la découverte, de la maîtrise, le temps de la réinvention des scénarios. C’est le temps nécessaire pour trouver les bons cas d’usage, les développer. C’est le temps pour former une équipe de support interne qui saura transmettre ses connaissances au reste de l’entreprise et qui saura en accompagner la transformation, au bon rythme et de la meilleure façon.
Rares sont les entreprises qui investissent sur ce temps de maturation. Elles se focalisent sur le déploiement de l’outil, se ruent sur la formation comme on le fait depuis 30 ans, sans chercher à mûrir sur ce sujet ni à explorer les opportunités qui s’offrent pour la première fois à l’entreprise. Rares sont simplement les entreprises qui se construisent une équipe qui aura pour mission d’accompagner les collaborateurs dans une transformation des usages, pensant simplement que la seule mise à disponibilité des outils suffira.
La fracture numérique entre les entreprises s’agrandit
Aujourd’hui que je suis consultant, je le constate tous les jours : il existe aujourd’hui une fracture numérique béante entre les entreprises et cette fracture s'agrandit de plus en plus.
Certaines entreprises sont restées sur les deux premières marches de l’évolution (messagerie et serveurs de fichiers) et s'y accrochent fermement. En 2021, beaucoup d’entreprises n’ont pas encore d’intranet, ne connaissent pas encore SharePoint ou l’utilisent comme un vulgaire serveur de fichiers (sans intérêt donc). Une grande majorité ne comprennent pas l’intérêt d’un Réseau Social d’Entreprise et ne voient pas les gains de Teams par rapport à la messagerie (voir cette vidéo pour savoir), etc. Et en 2021, quelques DSI restent encore méfiants envers le Cloud de façon générale, ce qui rend impossible un vrai investissement dans Microsoft 365.
A l’inverse, d’autres entreprises (les concurrents parfois) galopent en tête en tirant profit de toutes les innovations du digital interne qui pourraient leur permettre d’accompagner l’entreprise et ses salariés dans l’entreprise du 21ième siècle. Elles explorent, essaient, expérimentent, innovent.
Ce qui différencie ces deux types d’entreprise, c’est souvent le conservatisme des dirigeants, l’absence de curiosité, mais plus certainement l’absence d’évangélistes digital interne (lire ce billet) qui sont convaincus des opportunités, qui savent en parler, qui ont une capacité de persuasion et de promotion.
Watch the step : le saut quantique vers Microsoft 365
Non, Microsoft 365 n’évolue pas trop vite : la solution évolue simplement à la vitesse de nos sociétés, des technologies (big data, objets connectés, haut débit, collaboratif, …) et de la concurrence de plus en plus disruptive.
On peut le regretter, mais on ne peut pas stopper le mouvement. Certes, au niveau individuel, on peut faire de la résistance : se mettre l’écart, couper la Wifi, les smartphones et les tablettes, lire un livre devant la cheminée avec son chat sur les genoux. Mais au niveau d’une entreprise, refuser l’évolution est un pari très risqué.
Ce que j’essaie toujours d’expliquer à mes clients, c’est que retarder le moment de s’intéresser au sujet, c’est d’augmenter la difficulté de prendre le virage. Plutôt que de monter marche par marche, de digérer chaque évolution et d’en tirer progressivement partie, on est face à un saut quantique : passer de l’entreprise de 1990 à celle de 2021 sur tous les domaines en même temps : RH, communication, SI, collaboration, processus, sécurité, etc.
Les entreprises qui en sont toujours à la messagerie et au serveur de fichiers en termes d’usages (même si elles ont des licences Microsoft 365 notez bien) sont confortablement assises sur les deux premières marches de l'évolution. Face à elles, pour profiter des opportunités il y a un mur qu’il faut réussir à grimper d’un coup, sans maturation digitale entre les deux.
Plus l’entreprise tarde à prendre le virage, plus l’accompagnement doit être pointu.
On ne parle pas d’un accompagnement au changement « classique » comme on le ferait pour accompagner un changement de stratégie commerciale, une nouvelle organisation ou un changement de postures marketing. On ne parle pas de belles vidéos chatoyantes, de superbes PowerPoint, d’un plan de communication soigné ou de goodies attractifs. On parle de changement de scénario profond de travail et de collaboration qui va impacter les managers et les collaborateurs, les habitudes de travail, les processus, etc… et qui nécessite une maîtrise totale de Microsoft 365 de la part de celles et de ceux qui feront cet accompagnement.
Cela fait 21 ans que nous sommes dans le 21ième siècle. Il n’est jamais trop tard pour y entrer mais il est temps. Et si vous avez besoin d'aide, mes collègues d'Abalon et moi même serons heureux de vous y aider, sur tous les sujets.
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