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  • Christophe COUPEZ

Repenser SharePoint au sein des entreprises

J’ai commencé à travailler avec SharePoint en 2002, avec la version SharePoint 2001, la toute première version qui était à l’époque orientée principalement GED (Gestion Electronique des Documents). La version 2003 a été vraiment celle qui a inauguré la forme de SharePoint que nous connaissons encore maintenant (listes structurées, etc), et qui a perduré jusqu’à la version SharePoint 2013.

Sur ces 10 années, on peut considérer que l’outil a bénéficié de très belles améliorations, mais pas de révolution fondamentale dans sa philosophie, excepté l’avènement du Cloud avec l’offre Office 365 qui a radicalement démocratisé l’accès à SharePoint, pour rendre l’outil accessible aux entreprises de toutes tailles.

Mais les choses sont en train rapidement de changer pour SharePoint en termes de fonctionnalités, de position de l’outil, d’usage, etc.

Si l’outil évolue à pas de géant, est-ce que ce n’est pas le moment de repenser le positionnement de SharePoint au sein de l’entreprise, de revoir sa gouvernance et d’imaginer une autre manière d’accompagner l’outil ?

Aujourd’hui SharePoint n’est plus le seul outil collaboratif

Il y a encore peu de temps, SharePoint était LE principal et UNIQUE outil collaboratif Microsoft. En 2012, chez Bouygues Telecom, je ne disposais que de SharePoint (couplé avec le composant Sitrion pour le RSE), pour digitaliser l’entreprise.

A cette époque, entre autres choses (développement d’applications métier, mobiles, intranet de l’entreprise, etc), mon équipe assurait le support, la sensibilisation et la formation de l’entreprise sur ce seul et unique outil : SharePoint.

Aujourd’hui, l’offre Office 365 est riche de plusieurs outils (Yammer, Teams, Planner, Forms, Stream, Sway, etc) qui forment toute la réponse collaborative de Microsoft aux Entreprises. Et régulièrement l’offre s’enrichit de nouvelles solutions.

Il y a un paradoxe qui se développe autour de SharePoint : SharePoint, qui était jusque-là l’outil phare, seule et unique réponse au collaboratif, devient aujourd’hui « un outil parmi plein d’autres outils », tout en devenant un outil central, présenté comme « LE service de contenu d'Office 365 ».

Qui pourrait donc imaginer que cela sera sans conséquence sur la manière d’appréhender SharePoint dans l’entreprise ?

Le positionnement de SharePoint glisse inexorablement vers l’utilisateur final

Dans beaucoup d’entreprise, les collaborateurs et les DSI n’ont pas encore bien compris les possibilités et les usages du SharePoint « classique ». Alors, pensez donc : on n’ose pas leur expliquer qu’il existe maintenant « un nouveau SharePoint »!

Ce « SharePoint nouveau » (SharePoint Online, disponible uniquement sur le Cloud via Office 365) change le visage de l’outil et son positionnement.

Il se place aujourd’hui derrière d’autres outils phares, comme Teams, ou même Yammer, via les Groupes Office 365. Pour faire simple, lorsque vous créez une équipe Teams, sans le savoir, vous créez un Groupe Office 365, qui créé lui-même un site SharePoint « nouvelle génération ». C’est dans ce site SharePoint que sont stockés les fichiers de votre équipe « Teams ».

Tout cela a l’air compliqué, et pourtant, l’opération est quasiment transparente pour l’utilisateur : à tel point que si vous êtes vous-même utilisateur de Teams, vous découvrez peut-être l’information en lisant ce texte !

La nouvelle ergonomie de SharePoint est radicalement différente, même si on reconnaît encore dans de nombreuses pages l’ergonomie « ancienne » qui perdure, comme lors de la création de listes. Tout cela va certainement évoluer dans les mois qui viennent.

Ajouter une Web part (une zone de contenu, dans une page) est désormais une opération extrêmement simple, avec du drag and drop et un paramétrage simplifié, très simplifié. Beaucoup plus simple en tout cas, qu’avec le SharePoint « classique » :

exemple dans la vidéo ci-dessous : comparaison entre l'intégration d'une simple WebPart de texte dans une page SharePoint "classique" (publication) puis même opération dans un site Online

Par exemple, pour intégrer un mur Yammer dans un site SharePoint, l’opération est carrément simplifiée. Dans la version « classique », l’utilisateur doit manipuler du code informatique, et doit potentiellement le modifier s’il veut une taille particulière. Dans la version « moderne », l’ajout du mur Yammer est simplifié à son maximum. Il y a certes moins de possibilités de customisation, mais le service est rendu, rapidement et simplement.

exemple dans la vidéo ci-dessous : comparaison entre l'intégration d'un mur Yammer dans une page SharePoint "classique" (publication) puis la même opération dans un site SharePoint Online

Créer du contenu au travers d’une page Web devient également très simple, comme d’en faire la promotion ensuite dans la page d’accueil.

exemple dans la vidéo ci-dessous : comparaison entre la création d'un page dans un site SharePoint "classique" (publication) puis la même opération dans un site SharePoint Online

Créer un site SharePoint est également très simplifié. Plus la peine de demander à votre équipe informatique de vous créer officiellement un site SharePoint : de la même manière que vous pouvez créer librement un groupe Yammer, une équipe Teams, ou un Forms, vous pouvez désormais créer un site SharePoint, soit directement, soit via un groupe Office 365 et/ou un Teams.

Enfin, de nouvelles fonctionnalités apparaissent comme le Hub : la possibilité de regrouper des sites entre eux, en suivant une organisation ou un métier par exemple: une réorganisation difficile à faire dans le passé, avec les collections de sites traditionnels.

L’usage de SharePoint se simplifie, mais certaines possibilités aussi

SharePoint se simplifie, mais parfois un peu trop. On ne retrouve pas encore aujourd’hui toutes les possibilités que nous offre le SharePoint « classique » en termes de paramétrage. Certaines réalisations que je fais avec mon équipe chez mes clients avec le SharePoint « classique » ne sont pas reproductibles avec la version « moderne » de SharePoint. En tout cas, pas sous la même forme : il nous faudra nous réinventer.

Mais c’est certainement l’objectif de Microsoft à la fois pour simplifier l’usage, de garantir certaines fonctionnalités comme le responsive design, l’accès en mobilité, garantir l’absence de conséquence lors des mises à jours, etc.

On sent nettement que l’objectif est de rapprocher SharePoint de ses utilisateurs, de ne plus réserver la maîtrise de SharePoint à des développeurs spécialistes, de permettre à monsieur et madame tout le monde de pouvoir créer et paramétrer son site SharePoint, aussi facilement qu’ils peuvent créer aujourd’hui un groupe Yammer, ou une équipe Teams.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’usage de SharePoint va changer, parce que l’outil change radicalement et qu’il se simplifie.

Mais une chose est sûre : la construction d’un site SharePoint devient maintenant une opération à la portée de (presque) tout le monde, via une interface intuitive et simplifiée.

L’autre révolution, c’est que le « site SharePoint » en tant qu’élément technique change de statut. Encore hier, la création d’un site SharePoint était une opération relativement rare, maîtrisée, encadrée, surveillée. Dans certaines entreprises il faut montrer patte blanche pour créer un site, justifier la demande, attendre la validation d’un comité. La création d'un site peut parfois nécessiter plusieurs jours de délai (voir semaines), alors qu'un groupe Yammer se créé en quelques secondes.

Maintenant, un site SharePoint devient un objet facile à créer et à supprimer par n’importe qui, et en parfaite autonomie, intentionnellement ou de façon transparente via la création d’un Teams, d’un groupe Yammer associé à un groupe Office 365.

Au final, un site SharePoint devient potentiellement aussi « jetable » qu’une enquête Forms, un groupe Yammer, une équipe Teams, un Sway, ... Et tout cela a forcément un impact sur le positionnement de l’outil dans l’entreprise.

Dans le même temps, SharePoint glisse de plus en plus vers les usages métier et mobiles

Si le positionnement de SharePoint glisse inexorablement vers l’utilisateur final et vers sa totale autonomie, SharePoint glisse également de plus en plus vers des usages métiers, peut-être (enfin !!!) faire comprendre que SharePoint est beaucoup (beaucoup) plus qu'un simple « serveur de fichiers amélioré ».

De nouveaux outils de la suite Office 365 s’intègrent directement dans SharePoint, directement dans l’interface. C’est le cas par exemple des applications PowerApps et Flow.

Le nouveau SharePoint se marie très bien également avec PowerBI (via une WebPart dédiée), en permettant d’intégrer visuellement et complètement un tableau de bord PowerBI dans une page SharePoint, en quelques clics, pour un rendu impeccable.

C’est l’idéal si vous souhaitez construire un site Intranet dédié par exemple aux indicateurs, qui permettrait de survoler en quelques pages des tableaux de bord alimentés automatiquement via PowerBI, et agrémenter de textes ou d’illustrations pour une meilleure mise en contexte des chiffres.

SharePoint bénéficie désormais également d’une application mobile SharePoint de bonne facture qui rend enfin accessible les données SharePoint (des listes de documents ou des listes structurées) sans rien faire de particulier, depuis un téléphone mobile.

Encore une fois, toutes ces nouveautés très orientées métier et mobilité permettront certainement de montrer (démontrer) que SharePoint est un outil qui dépasse la simple fonctionnalité de la gestion documentaire et que c’est bien là qu’on peut en tirer toute la puissance.

L’autonomie : la nouvelle dimension apportée par SharePoint

SharePoint a ceci de particulier, qu’on peut en faire mille usages différents selon la manière dont on le paramètre, à la différence de Yammer, Teams, Forms, … qu’on ne peut pas paramétrer.

Avec le SharePoint « classique » les utilisateurs ont très souvent besoin d’un accompagnement « actif » d’experts (= faire les opérations pour eux). Avec les dernières évolutions de SharePoint (et des applications Office 365 en particulier), une nouvelle dimension apparaît : l’autonomie. Pour des usages qui jadis nécessitaient encore hier l’accompagnement d’un technicien, il est désormais possible pour les utilisateurs d’être complètement autonomes.

Exemple : créer une « enquête » sous SharePoint (classique) nécessite une certaine maîtrise de SharePoint. Une maîtrise de l'outil SharePoint qui n'est plus nécessaire, par l'outil « Forms » permet de créer des enquêtes plus agréables et plus facilement.

Avec toutes ces évolutions,

difficile d’imaginer que la gouvernance ne sera pas impactée

Dans la plupart des grandes entreprises, SharePoint est encore surtout vu comme un outil de stockage de fichiers, au même niveau que les traditionnels serveurs de fichiers. Pour cette raison, SharePoint est encore souvent géré et administré comme tel, avec une gouvernance très industrielle, très verrouillée, héritée de celle que l’on applique aux systèmes techniques au sein des grandes DSI.

Ces gouvernances, souvent, sont rarement orientées sur « le service » que l’on veut rendre aux utilisateurs via l’outil, mais plutôt orientés sur le contrôle que la DSI veut faire de ce service, avec les différentes règles de contrainte que l’utilisateur doit respecter pour permettre à la Direction des Systèmes d’Information de conserver la maîtrise de l’outil, en termes de croissance ou du champ des possibles.

Cette gouvernance est censée contrôler la manière dont l’entreprise a décidé qu’on allait utiliser l’outil : or cette manière peut être (est souvent) différente des véritables besoins des utilisateurs ou de ce qu’ils rêveraient d’en faire.

Le risque principal est que cette gouvernance reste figée dans le temps, ce qui va rendre impossible toute exploration de l’outil vers de nouveaux usages et opportunités. L’autre risque est de stériliser toute initiative personnelle d’utilisateurs qui auraient voulu expérimenter l’outil dans des cas d’usage non identifiés non identifiés dans la Gouvernance, mais qui pourraient se révéler très profitables à toute l’entreprise. Or très souvent, l’innovation vient des usages et des besoins de vos collaborateurs.

L’évolution de SharePoint va imposer de changer de posture

Le digital dans l’entreprise c’est aussi et surtout un vrai changement de posture vis-à-vis de l’utilisateur, à qui on doit « un service qui rend service » (lire mon livre blanc sur la bureautique digitale pour vous en convaincre). Une posture qui donne la possibilité de tester, de faire confiance aux utilisateurs.

Toutes ces évolutions en cours ou annoncées de SharePoint vont nécessairement imposer de repenser la philosophie de la gouvernance, en mettant au centre des préoccupations les besoins des utilisateurs, leurs ambitions digitales, et l’innovation continue dans la manière d’utiliser SharePoint.

Reste à savoir ce qu’est une « gouvernance ». Ce sujet fera l’objet d’un billet, tant il est vaste. Résumons en disant que la gouvernance, ce sont les règles qui régissent l’utilisation de l’outil. Il y a deux composantes :

  • Les règles de contrôle, de supervision, d’administration, qui régissent la manière d’administrer le service de l’équipe DSI en charge : ce sont des éléments destinés aux informaticiens, techniciens et experts SharePoint en charge du support au produit

  • La charte d’utilisation du service, avec le champ des possibles, les interdits aussi, les bonnes pratiques, les règles, qui doit être affichée clairement aux utilisateurs. Car pour responsabiliser les utilisateurs, il faut afficher des règles claires. Cette charte découle de la gouvernance, car les « interdits » de la gouvernance réduisent le champ des usages.

Cette nouvelle gouvernance devrait logiquement suivre les nouvelles inclinaisons du produit, dans la trajectoire des autres produits d’Office 365, à savoir une gouvernance très orientée vers l’utilisateur final et vers son autonomie, ce qui nous amène à parler d’accompagnement.

Repenser l’accompagnement à l’outil SharePoint

Je n’ai pas attendu les dernières évolutions de SharePoint pour penser qu’il faut accompagner SharePoint principalement sur les usages plutôt que sur le mode d’emploi ou sur en fonction d'une gouvernance stricte.

Aujourd’hui encore, dans les entreprises que j’accompagne, je rencontre trop d’utilisateurs qui n’ont aucune idée de ce que peut leur apporter SharePoint au-delà de la fonction d’un simple serveur de fichiers. C’est une perte sèche pour l’entreprise et un gâchis de belles occasions métier manquées.

On constate déjà que la maîtrise de SharePoint dans les grandes entreprises commence à évoluer vers les dimensions suivantes :

  • Moins d’expertise, plus d’accompagnement : l’équipe en charge de SharePoint va progressivement glisser de l’expertise technique brute (avec des techniciens ceinture noire en SharePoint), vers l’accompagnement fonctionnel plus simple, c’est-à-dire des experts plus fonctionnels que techniques, qui expliqueront plus comment SharePoint peut s’intégrer dans le quotidien métier et quels gains on peut en tirer. Tout simplement parce que l’outil se simplifie en termes d’usage : de nombreuses manipulations qui hier, nécessitaient l’expertise d’un technicien sont aujourd’hui à la portée de tout utilisateur, via un petit tutoriel vidéo par exemple.

  • Une gouvernance simplifiée : la gouvernance de l’outil va aussi glisser progressivement en passant de la « table de la loi » qu’on connaît habituellement (« Tu ne feras point ceci, tu ne feras point cela »), vers une gouvernance simplifiée orientée sur l’optimisation du champ des possibles.

Cette simplification s’imposera également parce que… :

(1) contrairement à il y a quelques années, SharePoint n’est plus l’outil unique du collaboratif, mais (seulement) un des outils de la suite Office 365 – sa gouvernance (et son approche) doit donc forcément s’accoster avec la gouvernance des autres outils, plus simples d’usage. Exemple : comme Teams ou Yammer.

(2) les moyens que l’on pouvait mettre jadis sur SharePoint parce que (justement) c’était le seul outil collaboratif de l’entreprise, sont à répartir sur tous les autres usages collaboratifs, comme l’accompagnement à Teams, Yammer, Planner, PowerBI, etc. Les entreprises vont donc manquer de moyens pour continuer, comme dans les temps jadis, à tenir la main de leurs collaborateurs pour réaliser à leur place toutes les opérations de base, aujourd’hui facilement réalisables avec SharePoint Online.

  • Plus (+) de promotion et de communication : pour toute entreprise qui cherche à réussir sa transformation digitale, il est impossible de laisser les opportunités (anciennes et nouvelles) de SharePoint inconnues. Elle doit investir de plus en plus vers des actions de communication et de promotion, car l’essentiel demain sera moins d’expliquer comment on fait (le mode d’emploi, car l’outil s’étant considérablement simplifié), que de démontrer ce qu’il est capable de faire, suggérer des cas d’usages, proposer des solutions, pour réussir la transformation digitale.

  • L’exploration des nouveaux usages : SharePoint évolue régulièrement et rapidement, et avec SharePoint tous les autres outils de la suite Office 365. De nouvelles opportunités s’offrent régulièrement aux entreprises curieuses, notamment, avec des outils comme PowerApps, Flow, PowerBI. Les équipes en charge de SharePoint devront explorer toutes ces nouvelles opportunités, sortir régulièrement des chantiers battus, pour apporter de nouveaux usages et de nouveaux gains à l’entreprise. Exemple avec GRTgaz qui explore les possibilités de Sway pour assurer le support aux outils, comme PowerBI : cliquer ici.

En conclusion

Vous avez donc compris : si vous utilisez Office 365, il existe aujourd’hui deux SharePoint dans votre entreprise : le « classique » qui repose sur SharePoint 2013/2016 (on oublie SharePoint OnPremise – c’est-à-dire installé sur vos serveurs), et le « moderne » avec SharePoint Online.

La cohabitation va durer encore quelques temps, car il n’est pas envisageable (ni du tout pertinent) de demander à toutes les entreprises de migrer leurs contenus du SharePoint classique vers le SharePoint moderne (OnLine).

Si vous avez un historique, vous allez devoir gérer les deux mondes SharePoint et potentiellement deux gouvernances, et deux modes d’assistance de vos utilisateurs.

Vous allez devoir gérer un « SharePoint bimodale » à l’instar de ce qui se passe dans les Directions des Systèmes d’Information (cliquer ici), avec un SharePoint « ancienne génération » d’un côté (avec un support et une gouvernance à l’ancienne) et un SharePoint « nouvelle génération », plus centré usages et utilisateurs, aux usages plus libres (car mieux encadrés directement par le produit).

Bref, après près de 17 ans de simples évolutions sans révolution, c’est le moment de réinventer et de repenser la place de SharePoint dans l’entreprise 😉.

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