A l’heure où sont écrites ces lignes, les jeux paralympiques sont terminés. Tout le monde s'est passionné pour ces sportifs qui ont réalisé des exploits que bien des valides seraient parfaitement incapables d’accomplir.
Cet événement sportif mondial a le mérite de mettre l’accent sur les situations de handicap. C'est l'occasion parfaite de parler des solutions qui existent pour accompagner au coeur des entreprises les personnes qui sont concernées. Et justement, très récemment, j'ai eu l’occasion de travailler sur la « mise en accessibilité » d’un intranet au sein d’une société et la création d’un espace dédié à ce sujet (merci Romain pour tes conseils).
En voyant les images des jeux Paralympiques, je me suis alors dit que c’était peut être un excellent moment pour partager quelques bonnes pratiques. Bien entendu, comme je ne suis pas expert de la question, cet article est forcément incomplet et je m'en excuse par avance.
Pas UN handicap, mais DES handicaps
Quand on parle d’handicap, on pense chaise roulante : c'est en tout cas l'image qui m'était venue en tout premier quand on m'a demandé de travailler sur ce sujet. En fait, il existe de nombreuses formes de handicaps, plus ou moins incapacitantes, plus ou moins visibles, plus ou moins graves, définitives ou temporaires. Il y a par exemple les handicaps moteur, visuels, auditifs, psychiques, les déficiences intellectuelles et les maladies invalidantes.
Pour chaque handicap, certaines entreprises s'emploient à apporter des solutions d'aménagement. Très logiquement, les efforts en termes d'accessibilité numériques se portent plutôt sur les handicaps visuels, auditifs, psychiques et intellectuels. Mais les handicaps moteur peuvent également réduire l'accessibilité numérique. Par exemple, si un collaborateur se casse les doigts d'une main, ou s'il est victime du syndrome du canal carpien, sa faculté à utiliser son clavier sera fortement réduite.
Au delà de ces handicaps, il y a aussi certaines inaptitudes qui peuvent être handicapantes dans le milieu professionnel. Parmi ces inaptitudes, il peut y avoir les difficultés orthographiques, les difficultés à rédiger ou à apprendre une autre langue, etc. Parfois, derrière ces inaptitudes se cachent des handicaps non diagnostiqués comme la dyslexie par exemple.
Focus sur l’accessibilité numérique
L’accessibilité numérique consiste à rendre les contenus et services numériques utilisables par tous, y compris par les personnes en situation de handicap. Cela inclut des adaptations pour les limitations visuelles, auditives, motrices et cognitives.
Plusieurs normes définissent les conditions d'accès numériques. On peut citer pour les principales :
WCAG 2.1 (Web Content Accessibility Guidelines) : émises par le W3C, ces directives internationales fournissent des recommandations pour rendre le contenu web plus accessible
RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité) : ce référentiel français, mis à jour en 2023, détaille les critères techniques à respecter pour assurer l’accessibilité des sites et services numériques publics
EN 301 549 : Cette norme européenne spécifie les exigences en matière d’accessibilité pour les produits et services TIC (Technologies de l’Information et de la Communication)
...
Attention, comprendre ces normes n'est pas simple. Un jour, un client m'a envoyé le document complet qui décrit une de ces normes en me demandant de lui indiquer quelles étaient précisément les exigences auxquelles je pouvais répondre avec un intranet sous SharePoint. J'ai renoncé à y répondre, tellement ces documents sont techniques, précis et difficiles à comprendre.
En fait, il faut prendre le sujet dans l'autre sens et vous demander plutôt ce que les outils Microsoft (Windows, Microsoft 365, SharePoint, ...) sont capables d'apporter dans ce domaine. Cet article a pour objectif de vous donner quelques réponses à la question.
Rendre Microsoft 365 « accessible »
L'accessibilité commence déjà par la charte graphique de Microsoft 365. Peut être ne le saviez vous pas, mais il est possible de personnaliser le "look" de votre environnement Microsoft 365 au travers de la couleur du bandeau, de la couleur d'écriture (sur le bandeau et dans toutes les interfaces) et d'accentuation (la couleur utilisée pour les boutons d'action).
Le paramétrage se fait dans Admin / Paramètres / Paramètres de l'organisation / profil de l'organisation / Thèmes personnalisés :
Le choix des couleurs doit respecter un taux de contraste suffisant, au deçà duquel la lecture par des personnes ayant une déficience visuelle peut s'avérer difficile. La console d'administration vous alerte si les couleurs choisies réduisent cette accessibilité visuelle.
SharePoint « accessible »
SharePoint est partout dans votre environnement Microsoft 365 : dans votre "intranet", mais aussi dans vos sites documentaires, etc. Vous pouvez améliorer l'accessibilité des sites SharePoint de différentes manières.
Thème SharePoint
Comme pour le bandeau Microsoft 365, il est possible de définir un thème graphique (palette) qui va reprendre, par exemple, la couleur de votre entreprise. Vos sites SharePoint pourront ainsi arborer la même couleur que celle de votre bandeau Microsoft 365.
Le choix des couleurs est important pour respecter un taux de contraste suffisant. Pour définir une palette de couleur, j'utilise l'outil Fluent UI Theme Designer. Si vous choisissez une couleur principale (primary color) qui n'offre pas un bon contraste, l'outil vous en avertit comme dans l'exemple ci-dessous. A vous de choisir la bonne couleur pour le meilleur contraste possible.
Description des images :
Partout où il est possible d'intégrer des images dans SharePoint, il est possible soit de décrire l'image, soit de déclarer l'image uniquement comme décorative. Si vous décrivez l'image, cette description sera lue par la lecture immersive dont nous allons parler dans la suite. Si vous déclarez cette image uniquement comme décorative (une image pour faire joli, sans autre intérêt), la lecture immersive n'en tiendra pas compte.
Le sujet n'est pas simple. L'exercice ne consiste surtout pas pas à décrire systématiquement toutes les images, car certaines n'ont vraiment aucun intérêt. Dans ce cas, elles doivent être déclarées uniquement comme décoratives.
Surtout, si vous demandez à vos contributeurs de décrire les images, vous avez intérêt à donner de solides consignes. Il faut en effet que la description soit pertinente, bien rédigée, si possible toujours avec une même tournure pour que l'utilisateur qui utilise la lecture immersive repère dans le texte lu toutes les descriptions d'image. Rappelez vous que ce texte sera lu, il ne s'agit donc pas de bâcler : il faut que ce soit pertinent, ce qui prend du temps. Evitez une description stérile comme "graphique " mais plutôt un texte qui décrit ce que l'image apporte comme information. Par exemple "graphique qui illustre l'évolution des ventes depuis 2023 et qui montre une progression constante".
Vérifier l'accessibilité de vos Web (dont vos pages SharePoint)
Pour détecter les erreurs d'accessibilité de vos pages SharePoint, vous pouvez installer dans votre navigateur EDGE une extension développée par Microsoft : Accessibility Insight for Web.
Lancez cette extension dans une page Web pour détecter les éventuels problèmes. Cette extension n'est pas dédiée uniquement aux pages SharePoint : elle va donc relever des erreurs que vous ne pourrez pas corriger. Mais au moins, l'extension permet d'identifier les corrections les plus simples à faire, comme par exemple des problèmes de contraste (écriture sur un fond coloré) ou des descriptions manquantes sur des images.
La lecture immersive :
SharePoint propose une fonctionnalité appelée "lecture immersive" qui permet afficher en grande lettre les textes affichés sur l'écran mais aussi de les lire à haute voix. La description des images, ou simplement leur déclaration en "image décorative" permet d'améliorer singulièrement la compréhension du contenu de la page.
Améliorer l'accessibilité de vos contenus (Word, PowerPoint, etc)
Le saviez vous ? Il existe dans vos outils bureautiques (Word, Excel, PowerPoint, ...) une fonctionnalité pour évaluer l'accessibilité de vos contenus. Cette fonctionnalité relève tous les points d'amélioration à apporter à votre document pour le rendre plus accessible (image non décrite, contraste trop faible,....). Rendez-vous sous l'onglet "Révisions : vérifier l'accessibilité".
Améliorer l’accessibilité avec Windows
Les capacités de Windows 11 à améliorer l'accessibilité numérique sont souvent ignorées. Je les ai moi-même découvertes pour écrire cet article. Elles sont décrites en détail dans cette page :
Vous allez ainsi découvrir 10 fonctionnalités pour améliorer la vision des contenus, 5 fonctionnalités pour l'audition, 6 fonctionnalités pour la dextérité & mobilité, 12 exemples d'usage du lecteur d'écran.
La fonctionnalité la plus intéressante et la plus impressionnante, celle que j'utilise moi-même quotidiennement, c'est la dictée automatique. En cliquant simultanément sur Windows + H, vous pouvez dicter des textes dans n'importe quelle zone de saisie : message Teams, mail Outlook, document (n'importe quel outil, ..), etc. Voyez cette vidéo que j'avais faite pour présenter cette incroyable fonctionnalité qui me fait gagner un temps fou :
Teams & Copilot, pour aider au quotidien
L'intelligence Artificielle Générative avec Copilot au sein de Microsoft 365 apporte des opportunité inédites pour aider les personnes atteintes de différents handicaps. En voici quelques exemples :
les personnes dyspraxiques, dyslexiques, dysorthographiques, ou atteintes de handicap au niveau des mains peuvent s'appuyer sur Copilot pour rédiger leurs messages ou même des documents, mais aussi sur la reconnaissance vocale qui est une fonctionnalité de l'IA.
les personnes malvoyantes ou atteintes de troubles cognitifs peuvent utiliser Copilot pour résumer des documents mais aussi des réunions dans Teams.
les personnes malentendantes peuvent poser des questions à Copilot pour connaître les points abordés pendant une réunion, ou bénéficier de sous titres pendant la réunion.
les personnes allophones (qui ont des difficultés à parler et comprendre d'autres langues) peuvent utiliser Copilot pour traduire des textes ou sous titrer des réunions Teams réalisées dans une langue étrangère.
... la liste est loin d'être exhaustive : à vous de trouver tous les cas d'usage utiles pour aider vos collaborateurs en situation de handicap.
Faire de la pédagogie et accompagner
Disposer d'outils pour améliorer l'accessibilité c'est bien, mais savoir qu'ils existent, c'est indispensable. Rien qu'en écrivant cet article j'ai découvert plusieurs fonctionnalités dans ce domaine que je ne connaissais pas.
Si vous avez des salariés en situation de handicap, il est indispensable de leur faire découvrir ces fonctionnalités qui pourront les aider. Cela fait partie de votre mission d'accompagnement. Encore faut-il que ces fonctionnalités soient connues par les équipes en charge de cette mission, et qu'elles sachent les expliquer.
Mais la pédagogie, c'est aussi pour les personnels valides. Si vous voulez bien faire les choses, pensez à intégrer dans vos formations des sensibilisations sur l'accessibilité numérique des contenus (documents, applications, pages Web, ...), en donnant les bonnes pratiques à respecter pour garantir d'un contenu soit bien lisible par toutes et tous. Tout est concerné et c'est bien la difficulté : document, page Web, applications, vidéos, etc.
Les collaborateurs en charge de dispositifs comme des sites SharePoint doivent particulièrement être sensibilisés à la question et être accompagnés pour respecter quelques bonnes pratiques en la matière. Mais les consignes ne suffisent pas : il faut également contrôler et recadrer si besoin, ce qui peut s'avérer particulièrement compliqué, chronophage et donc coûteux.
Améliorer (vraiment) l'accessibilité, c'est complexe
Un jour un client m'a sollicité pour faire leur intranet. Condition : tout l'intranet, tous les contenus, tout devait être au norme en matière d'accessibilité.
J'ai expliqué que les efforts étaient de leur côté, au quotidien : j'ai décrit les contraintes en matière de description des images, les impacts sur la charte graphique (impossibilité d'utiliser la couleur de la charte d'entreprise, pas assez contrastée), etc. Au fur et à mesure que j'énonçais les impacts, l'ambition de mon client fondait comme neige au soleil. Finalement, cette belle ambition a vite été abandonnée : l'entreprise n'avait pas les moyens en termes de formation, de contrôle et d'encadrement.
Vous l'avez compris, garantir (réellement et complètement) l'accessibilité numérique de vos outils et de vos contenus, ce n'est pas simple. Cela demande de la réflexion, une stratégie, des règles, de la pédagogie, du contrôle, du recadrage. Décider de promouvoir l'accessibilité numérique est une magnifique chose. Mais ce qui est souvent une belle ambition devient rapidement un vœux pieux, tant l'investissement est important en termes de travail.
Mais à défaut d'être parfait, on peut se donner une ambition et faire des efforts, ne serait-ce au minimum en faisant découvrir aux personnes en situation de handicap tous les outils d'assistance à leur portée comme les fonctionnalités Windows (dictée, ...) ou les opportunités offertes par Copilot dans ce domaine.
Pour finir, un précieux conseil
Vous l’aurez compris, mon ambition n’était pas de faire un article complet sur le sujet, tout simplement parce que je ne suis pas un expert de la question.
Mais en réalité, si c'est compliqué pour moi de travailler sur le sujet de l’accessibilité c'est surtout parce que je ne suis pas concerné réellement : je vois bien, j'entends bien, je n’ai pas de handicap aux mains ni au cerveau. Je suis à l'aise en rédaction de texte, je n'ai pas de difficulté en orthographe (ou peu). Quand je travaille sur ce sujet, tout est donc très théorique pour moi. J'aligne les solutions, sans réellement les mettre en œuvre ni en mesurer l'efficacité.
Pour cette raison, mon dernier conseil est le suivant : si vous travaillez dans une grande entreprise et qu’on vous confie cette tâche importante d’améliorer l’accessibilité numérique du système d’information et que, comme moi, vous êtes valide, ne le faites pas seul. Montez un groupe de travail composé de personnes concernées par des handicaps divers et variés, et parlez avec elles : regardez comment elles utilisent les solutions que vous proposez, écoutez les difficultés qu’elles rencontrent - réellement, pas en théorie. Alors seulement, votre accompagnement sera crédible, et surtout efficace.
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