J'aime beaucoup me replonger dans l'histoire de l'informatique : j'ai moi même une collection de vieilles machines des années 70/80. C'est en préparant un prochain billet sur ce sujet que je suis tombé sur un article extrait du magazine interne du groupe pour lequel je travaille. J'y apprends que la messagerie y a été déployée en 1984. 1984... C'était il y a 30 ans... L'année de commercialisation du Macintosh d'Apple. J'avais 14 ans, et je venais d'acheter le Thomson MO5, lecteur cassettes, stylet optique, 16 kilo octets de mémoire, et langage Basic intégré. La messagerie est tellement entrée dans "nos gènes" qu'on ne se rend même plus compte du fabuleux impact que cet outil a eu sur les méthodes de travail de l'époque. La messagerie a été sans conteste le premier outil collaboratif informatique. En quelques clics, il était devenu possible de partager des fichiers, de poser des questions, de recevoir des réponses, d'informer nos interlocuteurs, bref, de collaborer... Une révolution. On ne se souvient plus non plus que l'adoption ne s'était pas faite sans mal. Au delà de la formation à un outil (ce qui est simple à faire) c'était surtout un mode de travail, un mode de collaboration, qu'il fallait changer. Comme pour tout changement, les collaborateurs de l'époque n'ont pas changé leur ancien mode de travail du jour au lendemain, sans accompagnement. A titre d'exemple, je me souviens qu'en 1996, lorsque j'ai commencé ma carrière, j'avais eu droit à une journée complète (!!) de formation à la messagerie! En 30 ans, les choses ont bien changé dans les entreprises et dans le monde en général. Le contexte s'est radicalement transformé, plus encore sur les 10 dernières années. Avec la mondialisation, la course aux technologies et la crise mondiale (et française), le contexte des collaborateurs de 2014 n'a rien à voir avec celui de leurs parents, trente ans plus tôt. Trente ans après les premiers déploiements de messagerie, chaque collaborateur doit traiter plus de sujets dans des délais de plus en plus réduits, concurrence exacerbée oblige. Les sujets sont de plus en plus complexes, les effectifs sont plus serrés, le télé travail se développe, ... Les interactions entre les acteurs de l'entreprise sont de plus en plus fortes, du fait de l'agilité notamment : l'informatique doit pouvoir parler rapidement au marketing qui doit parler au juridique et au financier, etc. Bref, les enjeux de la collaboration du temps de papa n'ont strictement, résolument, absolument, fondamentalement plus rien à voir avec les enjeux de 2014. Les enjeux et les contextes n'ont rien à voir, mais observez un peu autour de vous, et vous verrez que les collaborateurs de 2014 travaillent finalement de la même manière qu'il y a 30 ans, c'est à dire en utilisant quasi exclusivement la messagerie pour échanger et collaborer. Certes, ils utilisent des outils bureautiques de toute dernière génération : mais si les fonctionnalités ont évolué et se sont enrichies, les usages associés, eux, restent les mêmes depuis les années 90. Est-ce que travailler en 2014 comme il y a trente ans, ça ne pose pas question ? La réponse, vous l'avez dans votre messagerie en voyant la quantité astronomique de messages à trier, et le temps que vous passez à faire le tri. La réponse, vous la lisez aussi dans les yeux de vos collaborateurs, quand ils se disent démoralisés par l'avalanche de mails qui s'abat chaque jour d'avantage sur leurs têtes, quand ils vous disent qu'ils n'arrivent même plus à tirer les mails au jour le jour. Car c'est mécanique : plus ils auront de sujets à traiter, avec plus d'interlocuteurs, plus rapidement, plus ils auront de mails à s'échanger. Passée une certaine limite, la messagerie congestionne les échanges, au lieu de les fluidifier parce que vos collaborateurs vont passer plus de temps à gérer leur messagerie qu'à faire leur métier. Ma conviction, c'est que le réseau social d'entreprise (RSE) est LA réponse aux enjeux d'aujourd'hui. Le RSE va apporter aux entreprises la même révolution d'efficacité et de production que la messagerie il y a 30 ans. Non pas parce que c'est la mode, mais parce que c'est juste la seule réponse efficace qui existe aujourd'hui pour fluidifier les échanges entre les collaborateurs. Je tire ma conviction, non pas des articles & livres écrits sur le sujet, mais de mes propres expériences, et des gains flagrants que je tire de ces nouveaux usages dans la gestion quotidienne de mon équipe et de mes projets. À ce jour, seul 10% des grandes entreprises disent avoir déployé un RSE, mais certains experts estiment qu'à fin 2013 moins de 5% des entreprises utilisent "vraiment" le RSE pour travailler, c'est à dire pour gérer les équipes, gérer des projets. Cela veut dire que plus de 90% des entreprises se posent toujours la question pour des dizaines de raisons : quel intérêt, quels usages, quels inconvénients, quels risques, etc ? C'est le grand saut vers l'inconnu. Tout ça n'a rien d'étonnant, car on ne saisit l'intérêt d'un RSE et on ne comprend le RSE qu'en l'utilisant, ou en voyant des cas concrets d'usage dans de vraies équipes, dans la vraie vie. Il n'y a rien de pire que d'essayer de convaincre sur du vent, sans avoir soi-même déjà utilisé de telles solutions dans la vraie vie professionnelle. Pour cette raison, l'ouverture d'un pilote interne réduit à quelques volontaires, sans publicité interne, puis l'évangélisation sur la base des premières expériences concrètes constituent une approche tout à faire pertinente. Reste à trouver la petite étincelle de curiosité initiale qui permettra à une entreprise d'explorer cette nouvelle piste de productivité ; j'espère que cet article y aura contribué.
Christophe COUPEZ