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  • Christophe COUPEZ

Le digital, une affaire de jeunes ?

Je suis tombé hier par hasard sur un post dans Linkedin d’une personne relatant une expérience plutôt désagréable. En postulant pour une mission il lui avait été répondu qu’il ne correspondait pas au profil recherché, car trop âgé :

Hier, je réponds à une offre de mission pour 6 mois comme PMO dans un projet de transformation digitale. Voici la réponse reçue aujourd'hui : - Bonjour Pascal Les membres de l’équipe PMO ont entre 30 et 35 ans. Le client tient à avoir un consultant entrant répondant à ce critère Bien à vous ... "

Outre la question de la légalité de cette réponse écrite, la question qu’on peut donc se poser, c’est de savoir si les seules personnes compétentes dans le digital sont les plus jeunes d’entre nous, ou pas. Etant âgé moi-même 45 ans, je vais bien entendu avoir un avis très orienté sur la question.

Les digital natives ont la quote

On parle beaucoup des « digital natives », ces jeunes qui ont grandi avec l’ordinateur depuis leur petite enfance. Il semblerait donc que ce statut leur confère plus d’appétence et de compétence pour les nouvelles technologies pour les personnes des générations précédentes.

Bonne nouvelle : j'en fais partie ! Si on garde cette définition, je peux donc afficher avec fierté sur mon CV qu’à 45 ans, je suis un « digital natives ». J’ai débuté le développement informatique à 11 ans avec un SINCLAIR ZX81. J’ai gagné mon premier argent en tant qu’informaticien dès l’âge de 16 ans en vendant mes programmes dans un journal très connu de l’époque, Hebdogiciel. J’ai connu toutes les évolutions de la micro-informatique depuis le début des années 80 jusqu’à maintenant, et je suis resté toujours autant passionné depuis plus de 30 ans pour tous ces sujets. Je suis sur-équipé (portables, tablettes… notez le pluriel), sur-connecté (réseaux sociaux en tout genre), toujours en ligne. Bref, je suis un vrai de vrai digital native (;->) !


Une affaire d’âge, de posture ou de passion ?

L’âge ne ferait donc rien à l’affaire comme dirait Brassens : quand on est vraiment passionné, on le reste. Et pour les (vrais) passionnés, l’âge n’est pas un handicap, ce serait même plutôt un avantage.


Car pour les passionnés, les années qui passent ont sur nos compétences l’effet du temps sur un bon vin qui mûrit et qui gagne en saveur. Ces années que nous affichons sans honte sur nos CV témoignent de notre expérience, de l’accumulation d’années de passion qui nous donne des capacités de compréhension et d’analyse, et qui nous confère dans bien des cas un gain d’efficacité et de productivité.

Mais en vérité, comme dans toutes choses, le talent est l’essentiel. Le talent, c’est savoir faire très rapidement et très bien une chose que d’autres feraient moins bien en plus de temps. Et si comme le dit l'adage populaire "le talent n’attend pas le nombre des années", il ne se délite pas non plus au fil des ans.


Un jeunisme affiché de plus en plus sans complexe

Dans plusieurs entreprises, afficher un jeunisme sans complexe est parfois une fierté, le signe qu’on est dans le coup, qu’on a compris le truc, qu'on est "digital aware". J’ai assisté il y a quelques années à l’intervention du DSI d’une grande société du digital que je ne nommerai pas. Ce monsieur d’une cinquantaine d’année expliquait, très fier de lui, que chez lui, les ingénieurs ne dépassaient pas trente ans : "au-delà, on les raccompagne gentiment à la porte" avait-il expliqué en riant. Ah ah ah que c'est drôle (...). Faire 5 ans d'étude après le bac, pour une espérence de vie professionnelle de 5 ans, ça pose problème.

Pourtant, la jeunesse ne confère pas des pouvoirs magiques pour affronter toutes les situations, qu’elles soient digitales ou pas. Au passage, brisons l’utopie : non, le jeune de 20 ans qui passe son temps sur Facebook n’est pas forcément un super as des réseaux sociaux d’entreprise dans votre entreprise. Et affirmer le contraire témoigne d’une méconnaissance sérieuse du sujet et de ce que le déploiement du digital interne implique dans une entreprise. Au cours de mes actions de sensibilisation aux RSE en entreprise ces dernières semaines (c'est donc tout récent), mon plus ardent contradicteur a été un jeune homme de 26 ans, réfractaire à tout ce qui ressemblait à du web en général, et à un réseau social en particulier. Et ses collègues aussi jeunes acquiesçaient aux propos de leur ami. Une autre expérience m'avait inspiré un billet : génération Y, mythe ou réalité ? J'y racontais ma surprise de voir une jeune stagiaire utiliser le RSE de l'entreprise comme un pied, alors qu'elle était ardente utilisatrice de Facebook. Allez comprendre. A l’opposé, mon ex collaboratrice Patricia Clément, âgée de 45 ans, véritable passionnée, est une experte dans les usages du digital au sein des entreprises. Expertise qu’elle a validé il y a quelques semaines par un diplôme d'expert en stratégie digital à l'iesa et UX design aux Gobelins. Chapeau.


« Etre digital » ne fait pas tout

Nous le savons tous par expérience : les premières années de la vie professionnelle sont complexes parce qu’il faut, en plus des compétences que l’on a acquis (ou pas) à l’école, une certaine capacité à prendre du recul, à analyser et comprendre les situations. Ces capacités s’affinent avec l’expérience et avec l’âge, car pour les alimenter, nous puisons dans nos bonnes et mauvaises expériences au fil du temps, dans nos réussites et nos échecs et dans nos observations du monde de l'entreprise. Or si vous êtes sorti d’école à 24 ou 25 ans, c’est difficile d'en comprendre tous les rouages, pour mesurer les luttes de pouvoir, les interactions entre les directions, etc. C’est parfois trop tôt encore pour savoir (oser) s’entretenir avec des managers, des directeurs. C'est pourtant essentiel pour ceux qui doivent travailler dans un projet de transformation digitale d'une entreprise. Notez que certains le font cependant très bien à 30 ans : j’en connais un qui se reconnaîtra ( ;->).


Un profil pour faire quoi ?

Reste à savoir finalement ce qu’on attend du candidat. Le périmètre des métiers du digital est vaste. Cela va du développement pur et dur, jusqu’à l’élaboration d’une stratégie, du déploiement de solutions, d’accompagnement d’une entreprise.

Dans certaines de ces missions, la capacité à « sentir » l’ambiance d’une entreprise, à comprendre le fonctionnement des dirigeants, à savoir leur parler, leur expliquer et les convaincre est un atout essentiel. Ce type de mission est souvent plus facile pour un profil plus Senior de fait de son expérience dans le monde des entreprises, et tout simplement de son expérience de vie.

Sur des sujets plus techniques, les seniors peuvent afficher également plus d’expérience, tandis que les plus juniors pourront apporter des visions différentes, plus neuves sur certaines approches.

Juniors et Seniors ont tout à apprendre les uns des autres. Pour preuve, dans plusieurs entreprises sont mis en place des démarches de mentoring et de reverse-mentoring (un senior accompagne un junior et inversement).


Bref

Tout reste affaire de passion et l’engouement. Or la passion n'est pas une histoire d'âge mais c'est un état d'esprit. L'expérience, par contre, s'acquière avec le temps et apporte des gains d'efficacité certains. Mais l'expérience a un prix: les professionnels Seniors coûtent plus cher que les jeunes sortis d'école. A une époque où l'on veut tout au moindre prix, ceci peut expliquer peut-être cela, mais c'est un autre sujet.

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