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  • Christophe COUPEZ

RSE et communautés privées


L’usage des réseaux sociaux d’entreprise suscite bon nombre de débats sur leur utilité, leur place dans l’entreprise, sur la manière de les déployer, sur les usages, et nombre d’autres questions. Parmi ces questions, l’une d’elles revient régulièrement: les communautés du RSE doivent elles être toutes "publiques" (= accessibles à tous les collaborateurs), ou peut-on continuer à créer des communautés privées, réservées à un nombre restreint de personnes ? Les participants du « tout – public » mettent en avant l’intelligence collective et le décloisonnement. Créer des communautés privées contribueraient selon eux, à recréer des silos au sein de l’entreprise, et à empêcher le décloisonnement. Surtout, la « privatisation des communautés » empêcherait « l’intelligence collective » au sein de l’entreprise, c’est à dire la capacité de toute collaborateur, quel qu’il soit, de trouver une information sur tout type de sujet, d’interagir dessus, de donner son opinion, d'apporter son expertise. Pour ma part, je fais partie de ceux qui pensent que le sujet n’est pas vraiment un débat, et que le positionnement d’une communauté en « privé » ou en « public » doit avant tout répondre à un vrai besoin et un vrai contexte. Se positionner sur cette question, sans tenir compte de ces paramètres, selon moi, ça tiendrait plus de l’ idéologie que de l’usage. Encore faut-il savoir de quoi on parle, car chacun a une idée très personnelle de ce qu’est un RSE, en fonction de ce qu’on en connait, ou de la manière dont on l’utilise dans l’entreprise dans laquelle on travaille. Par exemple, certains ne voient dans le RSE qu’un outil permettant d’échanger sur des sujets de veille, ou sur des grands sujets thématiques. Dans ces cas précis, les communautés ont bien évidemment tout intérêt à être les plus ouvertes possibles pour que chacun puisse participer, et apporter sa contribution. Là dessus, nous sommes parfaitement d’accord. Mais le RSE ce n’est pas que ça. Les RSE servent aussi à travailler, à animer des processus, des équipes, ou des projets. Ces communautés peuvent réunir plusieurs dizaines (centaines) de personnes, ou juste seulement une poignée (deux au minimum) : par exemple, j’en partage une avec mon manager, pour échanger sur les sujets en cours et se tenir informés mutuellement en temps réel. Dans ce type d’usage, on peut décemment se poser la question de l’utilité de positionner de telles communautés en « public », car ce positionnement est avant tout une invitation à tous les utilisateurs à y contribuer librement. Or toutes les communautés n’appellent pas forcément des contributions de n’importe qui. Par exemple, avec mon équipe, nous avons aidé des structures a mettre en place des communautés RSE (privées) pour fluidifier leurs échanges sur des processus métier, qu’eux seuls maîtrisent et connaissent. Les équipiers communiquent entre eux au travers du « mur d’actualité », plutôt que par mail, et sur des process métier très pointus : les actions à faire, les points de vigilance, les retours sur des actions réalisées, etc. Dans ce type de communauté, serait-il vraiment souhaitable qu’un quidam n’ayant aucune idée du processus ni même seulement du sujet dont il est question réponde à un message posté par un membre de l’équipe ? Autre exemple, dans le cadre d’une communauté d’animation d’une petite équipe, mise en place pour créer un lien social entre tous les équipiers, est-ce qu’il ne serait pas troublant qu’un collaborateur inconnu de l’équipe intervienne dans les échanges internes informels, pour donner (par exemple) son avis sur le menu du repas d’équipe de fin d’année au restaurant ? Vraiment : les équipes n’auraient-elles donc plus le droit d’avoir leur espace d’intimité juste « entre eux » sous prétexte que parce qu’on utilise un RSE, tout doit forcément être partagé avec tout le monde ? A mon sens le problème sur ce débat vient principalement que les postulats de base ne sont pas bons, notamment sur le décloisonnement. Selon moi, les communautés privées ne sont pas un obstacle au décloisonnement pour deux raisons. La première raison c’est que le décloisonnement des équipes c’est avant tout une affaire de posture interne et de volonté ; le RSE apporte une aide pour outiller cette volonté, mais ce ne sont pas quelques communautés privées qui vont bloquer le processus si telle est vraiment l’ambition de l’entreprise. La seconde raison c’est qu’une communauté RSE privée peut être, bien au contraire, un vrai modèle de décloisonnement. Je prends pour exemple les communautés (privées) que je mets en place pour animer chaque projet, et qui rassemblent dans ses membres tous les acteurs projets, qu’il s’agisse de la maîtrise d’ouvrage, de la maîtrise d’oeuvre, des développeurs, de certains utilisateurs toutes structures confondues. La communauté a beau être privée, on est bien dans le décloisonnement par excellence, à la fois des structures, des rôles et des métiers. Un expert RSE, partisan du « tout public » à qui je donnais cet exemple s’interrogeait sur la nécessité de rendre cette communauté projet « privée », au lieu de la rendre « publique ». Son idée : tout le monde pourra suivre le déroulement du projet, même s’ils n’y sont pas du tout associés et ils pourraient même y contribuer, pour donner « des idées ». Penser que tout le monde peut contribuer, pendant la pause déjeuner, à un projet informatique complexe en donnant son avis, c’est quelque chose que j’ai du mal à entendre. Dans l’idée, ce serait un formidable concept (utopie ?), car dans l’entreprise, il y a bien quelques experts qui auraient de bonnes idées (ou qui pensent avoir de bonnes idées). Mais dans la réalité, un projet c’est avant tout un contexte, des enjeux, des contraintes, des objectifs, et des acteurs projet ... Et penser qu’un quidam puisse avoir un avis pertinent sur un projet sans en maîtriser les paramètres, c’est beau, mais je ne pense pas que ça arrive très souvent. Pour autant, il est important que via le moteur de recherche, un expert puisse découvrir l’existence d’une communauté projet sur un sujet particulier, et qu’il puisse demander, si cette communauté est « privée », à faire partie des membres, s’il juge (et le chef de projet également) qu’il peut apporter quelque chose ou qu’il est concerné dans le cadre de son métier et de son périmètre. Je terminerai sur deux derniers points. Attention à ne pas compliquer l’adoption, en expliquant aux futurs utilisateurs qu’une communauté du RSE doit forcément être ouverte en lecture et en contribution à tous. L’adoption du RSE est déjà compliquée à la base, parce qu’utiliser un RSE oblige à changer toutes les habitudes de travail. Si, en plus doit s’ajouter que tout le monde peut tout voir et intervenir, le choc risque d’être trop violent, et le RSE risque d’être rejeté pour cette seule et unique raison. N’oubliez pas que certaines équipes ont vraiment besoin de confidentialité en utilisant le RSE (les équipes RH par exemple). Enfin, un dernier point concernant la gouvernance : apparemment, le taux de communautés privées est surveillé de près par certaines entreprises. Un taux trop important de communautés privées serait-il vraiment un échec ? Ma position est plus nuancée : certes, il faut s’assurer que les communautés qui ont vocation à drainer les expertises soient bien ouvertes à tous (communautés de veille, etc) : mais comme ceux qui créent ces communautés le font dans cet état d’esprit d’ouverture, elles sont généralement publiques, sauf erreur de manipulation. Restent toutes les autres communautés privées, dont la majorité correspondent aux usages dont j’ai parlés et qui n’appellent pas, par leur positionnement et par leur usage, à être largement ouvertes à toutes et à tous. Et pour moi, un taux de privatisation important n’est pas forcément un mauvais indicateur : ça serait même plutôt le contraire. Ca serait plutôt le signe d’une vraie appropriation du RSE par les collaborateurs pour animer les équipes et les projets, bref pour travailler. Et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle !

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