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  • Christophe COUPEZ

Trop théoriser le RSE tue le RSE


J’ai la chance unique de travailler avec un Réseau Social d’Entreprise depuis plusieurs années : il avait été déployé dans l’entreprise qui m’employait (Bouygues Telecom), en mai 2010, sous l’impulsion d’Yves Caseau. Le concept même du RSE venait d’apparaître, et les premiers éditeurs de solutions émergeaient. Bouygues Telecom a d’ailleurs été le tout premier client de Newsgator en Europe (alias Sitrion aujourd’hui). Très vite, j’avais saisi l’opportunité opérationnelle de ce type d’outils, en alternative au « tout mail » qui minait notre productivité. Dès Septembre 2010, j’intégrais le RSE dans le travail quotidien de mon équipe, que ce soit pour animer l’équipe, mais aussi pour animer tous les projets que nous avions à réaliser, petits et grands. Cela nous avait demandé une certaine adaptation (réflexe mail, quand tu nous tiens ! > lire ce billet), mais aujourd’hui, le constat est sans appel : à tel point que la plus grande crainte de mes équipiers seraient de devoir un jour travailler dans une équipe qui n’a pas adopté le RSE. Quand la presse en parle Les Réseaux Sociaux d’Entreprise font l’objet de plus en plus d’articles dans la presse spécialisée. On peut y lire pas mal d’articles qui tentent d’expliquer le concept du RSE et les gains que l’on peut en tirer. Les articles publiés sur ce sujet dans la presse ne sont pertinents que depuis un an ou deux. Avant cela, les articles étaient rares, et n’étaient souvent qu’à charge : on nous expliquait que le RSE était un effet de mode, une lubie de geek qui ne servait à rien. Aujourd’hui, très peu d’articles osent remettre en cause la réalité de l’efficacité du RSE de manière générale (à condition de bien le déployer). Mais ces articles théorisent beaucoup (trop). Trop théoriser le RSE tue le RSE Déjà, le terme de « Social » dans le nom du concept nuit beaucoup à la compréhension de ce à quoi le RSE peut servir. Autant il a vraiment du sens dans la sphère personnelle, autant dans le monde de l’entreprise le terme est vraiment mal choisi. Ce mot fait peur aux collaborateurs (qui pensent qu’on va parler de leur vie privée) mais aussi et surtout aux décideurs qui associent au mot « social » des problématiques très syndicales. Bref, le mot « Social » apporte plus d’interrogation que de réponses. Ma collaboratrice Patricia CLEMENT en charge de l'accompagnement digital, a trouvé une autre signification au mot RSE. Plutôt que de parler de Réseau SOCIAL d'Entreprise, elle parle de Réseau Super Efficace, sous forme de boutade. Une traduction qui me semble effectivement mieux traduire la réalité de l'outil. Plus grave, quand je lis certains articles, je n’y retrouve pas du tout l’usage que je fais de cet outil depuis plus de 4 ans, ni les gains que j’y trouve, et ça me pose question. Je me dis même parfois que c’était une chance qu’il n’y ait aucune littérature sur le sujet il y a 4 ans, parce que peut être que je n’aurais pas été tenté de l’utiliser. Les articles emploient souvent des termes et des notions très sophistiquées : dé-cloissonnement, transversalité, verticalité, intelligence collective, capital social, connectivité, … On parle aussi beaucoup de cette fameuse génération Y qui pousse à l’adoption du RSE : la théorie est belle mais la réalité est différente (lire mon billet "Génération Y : mythe ou réalité"). Mais l’employé qui lit ça ne s’y retrouve pas. Encore moins le manager qui doit décider si oui ou non il autorisera le déploiement d’un RSE dans son entreprise. Ils ne s’y retrouvent pas, parce jamais on n’y parle du travail quotidien, des gains concrets, de l’aide que le RSE peut apporter au travail de tous les jours. Peut être parce que parler simplement de choses simples, ça ne fait pas très « expert ». Le RSE ça sert d'abord à (mieux) travailler Je vais vous décevoir, mais tenter de vouloir séduire l’employé ou son management en lui vantant l’intelligence collective et le décloisonnement, ça ne fonctionne pas. Ce qui intéresse l’employé c’est une solution pour faciliter son boulot, et réduire la masse astronomique de mails qui lui plombe le moral. Ce qui va intéresser le manager, c’est une solution pour que les équipes travaillent mieux et plus efficacement. Ce sont autour de ces sujets qu’il faut bâtir l’argumentaire pour les convaincre. L’incompréhension de ce qu’est un RSE, je le mesure quand des non-utilisateurs (employés et surtout managers) prennent peur face au nombre croissant de communautés, ou m’interrogent sur le temps que je passe sur le RSE (sous entendu, au détriment de mon vrai travail). En ce qui me concerne, ils ne sont pas déçus par ma réponse : j’y passe la journée complète. Pourquoi ? Parce que le RSE, ce n’est pas un gadget, c’est mon outil de travail. Parce que tous mes projets sont gérés avec le RSE, que tous mes échanges passent par le RSE, en alternative au mail. Parce que la vie de mon équipe est animée par, et grâce au RSE. Et j’en passe… Quand on me pose cette question, je renvoie souvent cette autre question à mon interlocuteur : « Et vous, dans une journée combien de temps passez-vous sur votre messagerie pour vos échanges, dans vos serveurs de fichiers pour vos documents, sur Word pour écrire vos comptes rendus, .. ? ». Dans mon mode de travail, le RSE remplace tous ces outils. Généralement, mes interlocuteurs sont surpris par ma réponse, car ils ont souvent une vision ultra philosophique du RSE, sans doute à cause de ces articles trop théoriques. A force de leur parler d’échange social, de créativité, de partage d’idée, d’intelligence collective, mais sans jamais entendre parler du travail concret, ils s’étaient imaginé que le RSE c’était un outil « en plus », qu’on doit (forcément) utiliser pour lancer des idées de temps en temps sur des sujets plus ou moins professionnels, ou pour se faire des contacts dans l’entreprise. Tout cela, au lieu de (vraiment) travailler. Je caricature à peine. Revenir au concret Le premier objectif qu’on doit se donner lorsqu’on déploie un RSE, c’est de montrer aux employés à quoi ça sert : animer son équipe, animer les projets, fluidifier des échanges métier entre deux équipes (lire ce billet à ce sujet). On verra l’intelligence collective après. Pour convaincre, nul besoin de théories complexes, de mots sophistiqués et abscons. Les mots simples, le bon sens paysan et le pragmatisme sont beaucoup plus efficaces pour faire passer les messages. Ca fait certes moins « pro » mais ça fonctionne. Le premier angle d’approche, c’est donc le concret : il faut montrer, faire des démonstrations de cas réels, produire des témoignages d’utilisateurs. C’est ce que je fais depuis plus de deux ans, dans le cadre de mon sacerdoce d’évangéliste (lire ce billet sur ma profession de foi) et c’est efficace. Idéalement, il faut accompagner pendant quelques jours les équipes qui souhaitent sauter le pas pour leur tenir la main : une sorte de « conduite accompagnée » (j’en parlerai dans un prochain billet). Ce n’est qu’en introduisant le RSE comme une solution à leurs problèmes quotidiens concrets que vous pourrez convaincre employés et managers des autres usages possibles, plus sophistiqués, plus sociaux. Et après cette première adoption pour travailler mieux et travailler autrement, et seulement après, s’opérera la magie du RSE que vantent les articles, et qui est réelle : connexion des collaborateurs, décloisonnements, partage, et intelligence collective.

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